Société des jardins méditerranéens
Mediterranean Garden Society

Utilisation de l'eau et arrosage

par François Travert

La photographie en haut de cette page montre un Pistacia atlantica survivant dans un sol pierreux près de Petra, en Jordanie, dans un micro vally avec un mur de pierre en aval (Photo Jorun Tharaldsen)

Qui ne connaît pas le proverbe du potager ''Un binage vaut deux arrosages'' ?

Une question est largement évoquée en ces temps de réchauffement climatique et de durabilité servie à toutes les sauces: celle des impacts des loisirs, dont certains types de jardinages, sur les ressources naturelles et sur l'avenir des  paysages dits naturels.

On dénonce par exemple la mode des oliviers centenaires, déterrés des paysages toscans puis mis en pots pour garnir à perte un jardin gélif. On parle aussi de la fin des bouchons en liège qui va aboutir à l'enfrichement des forêts portugaises et  à la fermeture des paysages, suivi d'un chapelet de fléaux (dont l'incendie). Comme autre exemple, on voit de plus en plus d'usines de désalinisation fleurir ça et là pour abreuver les citadins, mais aussi, ne l'oublions pas, pour arroser parcs, golfs et résidences privés. C'est cet arrosage dont il est question ici.

Minimiser l'arrosage de loisir est une solution pour réduire notre empreinte écologique au minimum lorsque nous jardinons pour notre plaisir. Il en va de l'utilisation rationnelle des ressources et de leur pérennité.

Le Jardin d 'Olivier Fillippi est un jardin sans arrosage, mais également un jardin sans eau. Dans ce cas, le travail du jardinier repose sur choix d'espèces particulières, adaptées au site et aux microclimats du jardin méditerranéen.

Mon nouveau statut d'assistant d'enseignement me permet de consacrer du temps à de la recherche prospective et inventive concernant les eaux pluviales. Je me propose de vous présenter quelques systèmes de construction plus ou moins empiriques issus de l'agriculture. Ils m'ont semblé intéressants à développer dans les jardins. En fait, ce sont des moyens de créer des jardins sans arrosage; mais un jardin sans arrosage ne veut pas dire un jardin sans eau.

Murs et terrains en pente
Je me souviens d'un vieux figuier multiséculaire, seul dans la pierraille, au pied du Jabbal Al-Hoss en Syrie. Vu son âge, il faisait partie pour sûr des ces 'arbres qui ont tout vu'. En y regardant de plus près, je me suis aperçu qu'il était planté dans une micro vallée (talweg) et qu'un mur se trouvait à son aval. En fait, un mur (restanque dans le sud de la France) avait été créée, avant sa plantation, permettant de retenir les alluvions lors des très gros orages (événements pluvieux identitaires du climat méditerranéen). En fait, cette construction permet de sédimenter le sol qui s'en va par ruissellement. Il en résulte des sols profonds, principalement constitués d'argiles fines qui vont se gonfler en période de pluie et rendre gentiment l'humidité pendant l'été. Au jardin, le paillage ou le binage ralentit encore l'évaporation et surtout, elle permet de garder une bonne structure de sol en surface.

Visuellement, on peut adapter la restanque agricole au jardin, à toute échelle. Un cordon de cailloux de quelques centimètres de haut, suffit à créer des zones de sédimentation qui reste humides plus longtemps que le reste du jardin (on les appellera alors simplement diguettes). En gérant au mieux érosion et sédimentation au jardin, on multiplie les différents milieux dans l'enceinte du jardin, et le jeux des contrastes peut commencer.

D'un point de vue esthétique, la forme de la retenue est libre, dès lors qu'elle est située au bon endroit d'un point de vue hydraulique.
Dans la pratique et la poétique, il faut trouver la hauteur juste de la retenue pour pouvoir s'y asseoir et admirer son travail de jardinier. Il ne reste qu'à laisser faire le temps, orage après orage, pour pouvoir attendre le remplissage de son parterre. Une belle oeuvre du temps finalement.

Creux, bosses et terrains plats
Lorsque l'eau de pluie tombe sur un sol plat, il y a un risque qu'une couche de battance, quasiment étanche, se forme. Les pluies successives ne peuvent alors pas parvenir correctement aux racines des plantes.
Dans les zones arides, sur les terrains plats, les cultivateurs créent une succession de creux et de bosses qui ont pour vocation de guider l'eau vers le sous-sol. De cette manière, on évite l'évaporation trop importante de l'eau juste après la pluie. On empêche également de faire disparaître la matière organique par ruissellement. Il en résulte une végétation qui, après la pluie, est homogène, et bien fournie en tout point du champ. En dérivant ce système agricole tramé qui ne perturbe pas radicalement tout le sol (contrairement au labour - retourner en français), on peut utiliser ces microreliefs comme motifs au jardin, en faisant varier la densité et la profondeur de ces trous de taille modeste (20cm de diamètre). Ces trous, en plus d'entraîner l'eau vers le sous-sol relativement lentement peuvent également servir à piéger la matière organique et devenir facilement des nano climats humides propices à la faune et à une végétation particulière. Les trous protègent également les jeunes plans du soleil.

Un autre travail possible du relief du sol consiste à créer de petits canaux (similaires à des sillons) qui vont retenir l'eau de pluie qui divague sur un terrain plat. Le travail du fond de ces canaux, ordonnés si possibles perpendiculaires à la pente, est essentiel. Plus le fond est empierré, moins il se dessèchera et plus la végétation s'installera. Là encore, le jeu des courbes et des lignes creusées dans le sol suffit à créer des ambiances plus vertes que dans le reste du jardin non traité comme tel. A long terme, voir à très long terme, en maintenant entretenus ces canaux une végétation ligneuse peut s'installer, pour par exemple créer un écran contre le vent.

L'arbre et la botte de paille
J'avais vu quelque part dans la steppe quelque chose d'incroyable. Malgré le sel et le manque d'eau pendant une grande période de l'année, des pêchers produisaient de beaux fruits, sans trop d'arrosage. En fait, à la plantation, un trou suffisamment grand avait été fait pour pouvoir y placer une botte de paille. Non loin de la maison, le trou recevait l'eau du toit l'hiver et pendant les orages. La botte de paille jouait ici le rôle d'éponge. elle aidait le jeune arbre à s'implanter correctement. En cherchant un peu, puisque sceptique sur la chose, j'ai trouvé des études scientifiques qui montrent que la paille en se décomposant, n'est pas trop néfaste aux racines, et met environ 6-7 ans avant de se décomposer totalement, en ayant apporté légèreté, engrais naturel et retenu l'eau pendant ce temps. Il semble que nombre de feuillus supportent très bien ce traitement, à condition que la paille soit bien dense et bien sèche.
Comme quoi on peut planter des végétaux non autochtones ou 100% adaptés au climat sans forcément déployer des outils violents pour l'environnement.

Il existe plein d'autres systèmes empiriques et pratiques ...  Qui peuvent devenir esthétiques si adaptés à chaque situation. Pour reprendre mon introduction, je dirais que ce sont en plus des systèmes 'durables'. Le jardin est un loisir tellement à la mode qu'il choisir la bonne manière de jardiner pour ne pas que ça devienne pas dévastateur pour notre écologie.

Copyrights réservés sur tout le contenu, ne pas reproduire sans autorisation

 

The Mediterranean Garden est la marque déposée de la Mediterranean Garden Society dans l’Union Européenne, l’Australie et les États-Unis d’Amérique

création et maintenance du site :
Hereford Web Design